Il m'arrive régulièrement de partir marcher autour de Châteauneuf du Pape. Dans toutes les directions, les paysages se disputent la vue grandiose au vallon intime, l'air est vif, le mistral rugit souvent. Le plus heureux c'est Cupidon. Il disparait dans les vignes et les bosquets, court 15 km quand j'en fait 5. De temps en temps, je lance quelques sifflets puissants avec 4 doigts (je suis un spécialiste), mon Cupidon revient à fond de cale. Hier, j'arrive à un embranchement, Cupidon invisible, 4 chemins possibles plus tous les autres qui inspirent l'animal. Je reste 5 minutes, 10, 15 à siffler, usant de toutes les variations possibles - à en rendre les oiseaux alentours jaloux !
Mais point de Cupidon...
Après un bon quart d'heure, je lache prise et décide de rentrer. Il trouvera sa route tout seul ou j'irai le chercher à la SPA (c'est un habitué de la cavale, probablement un descendant d'Oudini le magicien). Le plus important, c'est qu'à l'intérieur, je suis serein. J'ai laché prise (expression magique utilisée en coaching). Vous vous doutez du résultat : quelques minutes plus tard, j'entends tagada, tagada, tagada, le revoili, le revoilà.
L'exercice était facile.
Souvent, c'est plus compliqué, l'encouragement extérieur peut apporter une grande aide. Ainsi, lors d'un projet très tendu et à fort enjeu que j'ai dirigé, j'anime le comité de pilotage - une douzaine de grands managers autour de la table. Mes moyens d'alors sont dérisoires, l'impact de mon projet concerne tous les départements de l'entreprise, je viens de faire 2 tours du monde pour expliquer dans toutes les filiales que le temps presse. Les nuits sont émaillées d'insomnies, la tension est à son comble. Depuis son emplacement confortable de top manager qui critique et juge, un membre du comité de pilotage m'envoie les "yaka, fauqu'on" qui exacerbent mon agacement. Epuisé et écoeuré, je lance mon rapport dans les airs, me mets en colère, quitte la salle, rentre chez moi. Sur la route, je me dis que je risque de me faire virer de mon job, l'esclandre est manifeste.
1 heure après être rentré, mon Sponsor projet m'appelle - comme le feront tous les membres du comité de pilotage à part Monsieur Yakafauqu'on. Il me dit, dans la langue de Shakespeare que tout le monde a compris, qu'ils ont travaillé un plan d'actions en mon absence, voudraient connaître mon avis sur leur production et ajoute surtout "take 3 days off" ("prends 3 jours de vacances"). Il m'encourage au lacher prise, à me reposer, recharger les batteries, laisser infuser chez moi comme chez l'équipe de management le doux levier du temps décalé.
Lacher prise ne signifie pas abandonner : comme pour Cupidon dans la campagne, comme pour ce comité de pilotage observateur et non acteur, arrive le moment où notre action est vaine, où l'implication des autres devient prioritaire, où il faut passer son chemin si l'univers résiste.
NB : je suis convaincu d'avoir "gagné" mon projet ce jour là...
Qui sont vos Cupidon ? Racontez ci-dessous vos expériences de lacher prise, cela inspirera...